Le versant Nord-Ouest d'Ailefroide possède une des impressionnantes faces du massif des Ecrins. En général, les voies qui parcours ce versant sont exigeantes et se transforment rapidement en un long voyage.
Pascal, chercheur de belles aventures occupe sa journée en effectuant un repérage dans le vallon de la Pilatte pendant que je me tue au travail sur Grenoble.
Au beau milieu de l'après-midi je reçois un coup de fil de Pascal qui tout excité m'annonce qu'il vient de repérer une goulotte en super condition dans Ailefroide et qu'il ne faut pas louper cette occasion. Vue comme cela, sa proposition était alléchante, l'envie d'une bonne bambée me démangeait. Le temps était magnifique et sans trop réfléchir je réservais ma place dans la cordée.
Pascal, revenu à la Bérarde pour m'appeler, récupéra ses affaires et parti poser son bivouac dans le vallon de la Pilatte non loin du départ pour la face.De mon coté je terminais mon job vers 20h, c'était compliqué de le rejoindre, alors je décide de faire tranquillement faire mon sac, d'essayer de dormir un peu puis vers minuit de partir pour la Bérarde.
Après presque 2h de marche, je retrouve Pascal pour déguster un petit thé. Vers 4h30 du matin on finit par décollé pour remonter le glacier Long pour rejoindre le pied de la face.
Cette remontée m'a impressionné, car dans la nuit, la pente de neige m'a paru vraiment raide d'autant que tu ne sais pas où elle se termine au dessus comme au dessous de toi. Je trouvais que Pascal avait une bonne allure presque trop sure à mon goût vu l'exposition que nous avions dans cette pente raide. Les conditions de cramponnage étaient vraiment bonnes mais la crainte que Pascal dérape et m'emporte dans sa chute m'obligea à lui rappeler de faire un peu plus attention. Il me rassure et me dit qu'il a bien la forme. Mais voilà, arrivé au 3/4 de la pente toujours dans une parfaite nuit noire, j'entends avec effroi un mouvement de dérapage et de crissement dans la neige au dessus de ma tête. Je lève les yeux et j'aperçois Pascal se rattraper et se stabiliser par un mouvement de gymnaste. Dans l'action, il vient d'échapper son piolet qui se met à rouler droit sur moi.
Encore aujourd'hui je revoie cette situation où dans une réaction sortie de nulle part, alors que j'étais à moitié endormi, je réussi à rattraper le piolet en vol.
Calmé, on finit par rejoindre la base de la goulotte au moment où le jour se lève.
Après avoir passé une niche, on remonte un couloir de neige pour se retrouver au pied d'un mur de glace de deux longueurs. Posé au relais confectionné avec le seul piton que l'on a pu apercevoir dans la voie, j'observe Pascal grimper la cascade de glace. Mais ce moment d'immobilité me donne des envies de sommeil. Mes paupières deviennent vraiment lourdes et je finis par fermer les yeux. Et là dans un sursaut je me rend compte de cette folie et demande à Pascal de se stopper sur une broche. Je sors de mon sac ma bouteille d'eau pour me vider la moitié de son contenu sur le visage. Avec la température ambiante, mon esprit s'est rapidement éveillé. Je pris ensuite une pleine poignée de "pimousse" pour les engloutir d'un coup afin de retrouver l'influx.
Le temps que tout cela rentre en action et me voilà reparti.
On remonte une succession de passages en glace et de parties neigeuses pour venir buter sur un mur rocheux verglacé.
On avançait bien, une grande longueur en mixte, puis une traversée sur un étroit trottoir pour venir au pied d'une courte longueur en glace verticale. On rejoint la sortie de la "voie des 3 plaques".
Cette partie est bien sèche, la neige est sans cohésion, on a l'impression de grimper dans un pierrier vertical où il faut faire attention à ce que l'on prend. Dans l'impossibilité de protéger on remonte corde tendue pour venir à l'entrée d'un couloir glacée.
C'est magnifique, le couloir est constituée d'une glace transparente sur presque 30cm d'épaisseur. On arrive à voir les rochers figés à l'intérieur. Mais rapidement on sent la douleur monter dans nos mollet tétanisés par cette escalade. Les lames des piolets et les pointes de nos crampons pénètre à peine dans cette glace extrêmement dure. En une longueur j'ai fini par mettre une seule broche à glace tellement cela devenait une mission pour les enfoncer. Enfin nous voilà au sommet, il est 15h30.
Le temps de profiter de la magnifique vue sur tout le massif, on se rencontre très vite que ce n'est pas fini. Nous avons décidé de descendre par la brèche des Frères Chamois. Les pentes enneigées du versant sud avaient déjà bien prises le soleil et il fallait rester concentré. Rapidement, en finissant par les rappels, on rejoint la brèche pour basculer coté Pilatte. La descente sur le glacier Gris devient une course à part entière. Il nous a fallu enchaîner passages rocheux, traversée verglacées, rappels ceci étant quelque fois fait avec une certaine exposition.
On finit par prendre pied sur le glacier pour ensuite faire les chamois dans des pentes d'herbes afin de rejoindre le fond du vallon de la Pilatte.
La nuit avait fini par tomber, et heureusement nous voilà sur un chemin bien marqué pour nous ramener à la Bérarde. Nous sommes épuisés, nous faisons une halte au bivouac de Pascal puis comme des robots nous reprenons une marche plus que décomposée. Je me souviens entendre de la musique sortant du ruisseau proche du chemin. On arrive finalement à la Bérarde, voilà 41h que je n'ai pas dormi mis à part le micro sommeil au relais, je m'effondre radicalement dans ma voiture.
C'était en effet une bien belle aventure, surtout qu'avant la proposition faite par mon compagnon de cordée Pascal, je ne connaissais pas la "goulotte Grassi".
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